Insectes xylophages, mérules et autres champignons lignivores peuvent occasionner des dégâts importants dans les bâtiments en dégradant le bois. L’objet de cet article est de vous donner des pistes pour les identifier et surtout pour les éradiquer.
Que nos lecteurs se rassurent, nous n’entendons nullement évoquer au travers de cet article, dont le titre pourrait prêter à confusion, le menu d’un quelconque restaurant bio, mais plutôt aborder un problème auquel nombres d’entre-eux sont soumis – ainsi que je le constate très fréquemment dans la cadre de mes consultations hebdomadaires – à savoir l’infestation des bâtiments par les insectes xylophages et les champignons lignivores. Un petit précis de vocabulaire ne semble pas inutile en préambule à cet article.
Un insecte xylophage est un insecte dont le régime alimentaire est composé de bois. Un champignon lignivore est un champignon qui se développe au contact de bois humide et se nourrit de ce bois.
Les principaux insectes xylophages
N’ayant pas la prétention d’être un entomologiste patenté ayant les compétences de Jean- Henri Casimir FABRE (1823-1915), surnommé l’Homère des insectes, nous nous limiterons ici à citer les principaux insectes qui colonisent les bâtiments à savoir :
- le termite,
- le capricorne des maisons,
- le lyctus,
- l’anobium également dénommé vrillette.
Bien que l’occasion d’apercevoir ces charmants insectes nous soit rarement offerte – ils sont par nature discrets – il ne semble pas inutile de les décrire et de préciser leurs caractéristiques principales afin d’être en mesure de pouvoir les identifier en cas de rencontre fortuite.
1- Le termite
Le termite dont le nom vient du latin « termes » qui signifie « ver rongeur » est l’appellation donnée aux insectes de l’ordre des isoptères qui en compte plus de deux milles… et qui vivent principalement dans les régions tropicales. Deux sont susceptibles d’engendrer des dégradations dans les immeubles :
- le termite lucifuge,
- le termite de Saintonge.
Bien que manifestement peu enclin à la discussion, cet insecte fait partie des insectes sociaux et il est organisé en colonie comme les fourmis. Il se présente soit sous forme ailée, d’une teinte brune et d’une longueur de 6 à 8 mm, constituant la catégorie reproductrice de l’espèce, soit sous forme active et d’une taille identique à celle des fourmis et étant très souvent à l’origine de la confusion entre ces deux insectes… bien qu’à ma connaissance, notre fabuliste de Château-Thierry n’ait jamais écrit « la cigale et le termite »…
2- Le capricorne de maison
Cet insecte long et aplati d’aspect brun/noir d’une longueur assez importante, de 10 à 20 mm, est muni de longues élytres dissimulant ses ailes.
3- Le lyctus
Insecte au corps allongé en forme de cylindre d’aspect rouge/ brun d’une longueur assez réduite, de 3 à 6 mm, le lyctus est muni d’antennes terminées par une petite masse en forme de boule.
4- La vrillette
Cet insecte de fore trapue d’aspect rouge/brun d’une longueur de 2 à 4 mm en ce qui concerne les petites vrillettes et de 6 à 9 mm en ce qui concerne les grosses vrillettes, est muni d’antennes terminées par une petite masse en forme de massue.
Repérage et dégâts
Les insectes xylophages n’ayant pas la courtoisie de nous informer de leur visite, c’est en général de manière purement fortuite que leur présence est constatée. Mis à part au travers des diagnostics qui sont effectués par des sociétés spécialisées, cette présence est généralement avérée par l’existence de sciure extrêmement fine sous les bois colonisés, quasiment de la poudre de bois, suivie de la constatation de petits orifices circulaires dans ces bois, identiques à ceux qui affectent souvent les meubles anciens… et qui résultent parfois de quelques coups de fusils de chasse au plomb n°7 destinés à apporter à ce meuble la patine des siècles qui renforce son authenticité et augmente son prix de vente.
La dégradation importante des bois qui résulte d’une colonisation massive par les insectes est, bien entendu, une preuve indéniable de leur présence, le bois de certaines pièces de charpente ou solives de plancher pouvant quasiment disparaître en cas d’attaques prolongées de ces invités inopportuns.
Conditions de colonisation des bois
Qu’il soit bien entendu que les insectes xylophages colonisent toujours les bois humides et délaissent toujours les bois secs !!! C’est donc toujours dans une insuffisance de ventilation et dans le maintien des locaux à un taux d’hygrométrie excessif que doit être recherchée l’origine de la colonisation des bois par ces insectes. Il est couramment admis que les insectes colonisent les bois qui sont soumis à un taux d’hygrométrie supérieur à 18 %, soit du fait d’une exposition constante à de l’humidité, soit du fait d’une alternance entre des périodes de séchage et d’humidité.
C’est certainement là la raison pour laquelle on constate plus fréquemment une colonisation par les insectes des solives et poutres de plancher et des pans de bois des façades, éléments situés dans des volumes fermés et non ventilés, que sur des pièces de charpente situées généralement dans des combles mieux ventilés, hormis en cas de fuites récurrentes de couverture et d’isolation thermique de la sousface d’une toiture effectuée sans maintenir une ventilation suffisante de cette sous-face.
La modification de l’équilibre sanitaire et hydrique des bâtiments due à l’apport d’éléments de confort, équipements sanitaires et chauffage, souvent réalisée sans recours à un architecte ou à une entreprise qualifiée, contribue également très largement à la colonisation des bois par les insectes du fait de l’augmentation considérable du taux d’hygrométrie de ces bâtiments qui n’étaient pas conçus pour accueillir ces équipements à l’origine de leur construction.
Mes fidèles lecteurs connaissent mon credo à ce sujet que je répète à l’envi au travers de mes différents articles : haro sur les salles de bains, cuisines et toilettes réalisés sur un plancher bois et ventilons, ventilons et ventilons !!! Les fuites qui affectent très souvent les installations de plomberie portent également une part très importante de responsabilité dans la colonisation des bois par les insectes et on constate que les termites suivent très souvent le cheminement de ces fuites le long des canalisations.
Rappelons également ici l’obligation – très peu souvent respectée – de garantir une étanchéité parfaite des parois et des planchers, non seulement des pièces humides, mais de la totalité des locaux destinés à l’habitation, imposée par les divers règlements sanitaires départementaux, notamment l’arrêté du 23 novembre 1979 portant Règlement Sanitaire du département de Paris.
Traitement des bois
Il est rappelé au sein du présent article que le traitement des bois colonisés par les insectes xylophages n’est pas un choix, mais une obligation strictement imposée par la législation en vigueur et devant impérativement être respectée. Bien qu’étant moi-même architecte, je considère que la qualification d’homo universalis souvent revendiquée par la profession n’est pas suffisante pour intervenir dans ce domaine bien particulier. Un architecte pourra sans aucun doute identifier une attaque de bois par des insectes – c’est là le quotidien des architectes spécialisés dans la rénovation et l’entretien des bâtiments dont je m’honore de faire partie – mais il ne sera très certainement pas en mesure de déterminer la nature de ces insectes et de préconiser les moyens à mettre en œuvre pour y remédier de manière pérenne et définitive.
Il est absolument indispensable de faire appel à une société spécialisée dans ce domaine, tant en ce qui concerne le diagnostic qu’en ce qui concerne le traitement à appliquer sur les bois infestés.
Notons que ces sociétés spécialisées doivent être titulaires du label CTBA + délivrées par le CTBA, Centre Technique du Bois et de l’Ameublement, seul organisme étant habilité à délivrer cette qualification. Les sociétés titulaires de ce label CTBA+ sont par ailleurs les seules étant habilitées à remettre en fin d’intervention le certificat de traitement des bois dont la délivrance est imposée par la réglementation en vigueur.
L’intervention de l’entreprise sera fonction de la nature et de l’importance des attaques des insectes et notamment de la limitation de ces attaques à l’aubier du bois et/ou de l’extension de ces attaques au cœur du bois. Rappelons ici ce que nous avons toutes et tous appris à l’école…, à savoir que le bois est composé de l’aubier, constitué de cellulose et ne possédant aucune caractéristique structurelle, et du cœur dénommé duramen, du latin durare qui veut dire « durer », composé des stries d’accroissement du bois et également dénommé « bois de cœur » ou « bois parfait ».
Mis à part en cas d’infestation massive et perdurant durant une longue période, il est assez peu fréquent que le cœur du bois soit attaqué et les dégradations sont généralement circonscrites à l’aubier nettement plus tendre et dont les insectes adorent se repaître de la cellulose.
Les bois faiblement attaqués seront purgés de leur aubier pulvérulent et feront l’objet de l’application par badigeonnage et par injection d’un traitement insecticide.
Les bois plus fortement attaqués, mais dont le cœur possède encore suffisamment de qualités structurelles pour pouvoir être conservé, seront purgés de leurs parties pulvérulentes et feront l’objet de l’application par badigeonnage et par injection d’un traitement insecticide.
Les bois totalement dégradés et dont le cœur ne possède plus de qualités structurelles permettant d’envisager leur conservation – certaines pièces de bois disparaissent parfois totalement sous les attaques des insectes – devront être replacés en totalité.
Notons qu’en cas de remplacement de bois, il n’y pas lieu de traiter le bois neuf, aucun bois ne pouvant être commercialisé en France sans avoir été préalablement traité en usine.
Notons également qu’en cas de remplacement de bois, obligation est faite aux sociétés spécialisées de traiter impérativement les bois conservés en place, mais que le résultat de ce traitement est bien souvent très fortement sujet à caution du fait de l’impossibilité de traiter les parties de bois non visibles ou non accessibles…
Précisons enfin que, tout à fait dans l’air du temps, les produits de traitement actuels à base de dérivés pétroliers, sont appelés à être prochainement remplacés par des produits biologiques qui ont récemment fait preuve de leur parfaite efficacité et qui devraient de ce fait bénéficier d’un agrément des services sanitaires.
Les champignons du bois
La mycologie étant une discipline d’une étendue quasiment infinie, nous nous limiterons ici à aborder le champignon le plus fréquemment rencontré dans les immeubles, à savoir la mérule pleureuse ou Serpula lacrymans… dont j’écris toujours qu’elle porte particulièrement bien son nom du fait qu’elle a fait pleurer et fait encore pleurer de nombreux propriétaires…
L’épithète spécifique de ce champignon, qui est le plus souvent en cause lors d’attaques des bâtiments, provient des larmes colorées qu’exsude son mycélium et il est un redoutable ennemi du bois œuvré et de tous les matériaux contenant de la cellulose, y compris les livres et les cartonnages.
La mérule est à l’origine de la pourriture cubique, qui est très souvent le révélateur de sa présence pour les néophytes, et elle dégrade la cellulose du bois sans en attaquer la lignine, qui comme chacun sait… est une macromolécule polymère qui est un des trois composants du bois avec la cellulose et l’hémicellulose.
On constate généralement la présence du mérule par la formation d’une masse épaisse blanchâtre semblable à de la ouate ou de filaments gris argentés d’un diamètre de 6 à 8 mm tissant une véritable toile d’araignée composés du mycélium de ce champignon, pouvant atteindre plusieurs mètres de longueur et étant capable de traverser la pierre. L’aspect en est parfois saisissant lorsque l’on découvre une surface recouverte de ces filaments sur plusieurs mètres carrés, par exemple après la démolition d’un doublage.
Le champignon peut également revêtir l’aspect d’une masse molle et visqueuse de plusieurs centimètres d’épaisseur et de teinte rouge/brun contenant des spores de couleur rouge. La mérule atteint principalement les résineux et parfois les feuillus et aucune essence n’est à l’abri de son développement mis à part quelques bois tropicaux… qui sont généralement sujets aux attaques d’autres parasites.
La prolifération de la mérule requiert une température comprise entre 20 et 26 °, son développement cesse à une température de 28 °, ainsi qu’une insuffisance de ventilation et de l’obscurité, les vapeurs d’ammoniaque exhalées par les lieux d’aisance insalubres favorisant également son développement. Les bois infestés par la mérule deviennent brunâtres, ils s’effritent et se désagrègent sous forme de petits cubes du fait de la destruction de la cellulose, donnant ainsi à ces désordres le nom de pourriture cubique.
Il est parfaitement possible de s’affranchir des risques d’apparition de la mérule en assurant une parfaite ventilation des locaux, notamment des caves où les soupiraux sont trop fréquemment obturés et en remédiant aux fuites des divers réseaux de plomberie. Comme en ce qui concerne les insectes xylophages, il convient également de veiller particulièrement à ne pas enfermer des bois de charpente ou de couverture dans des isolations thermiques non ventilées.
Le traitement de la mérule consiste en un traitement fongicide qui sera appliqué dans des conditions assez semblables à celles destinées à éradiquer la présence d’insectes xylophages, à savoir une élimination des bois dégradés et un traitement par pulvérisation et injection des parties saines du bois. Il convient également de traiter les sols contaminés afin d’éliminer les rhizomorphes * et de stériliser les maçonneries à la flamme.
Notons que des chercheurs de l’INRA et du CNRS ont récemment fait part d’avancées importantes dans le traitement de la mérule en parvenant à caractériser le mécanisme de dépolymérisation de la lignine par la mérule, ce qui ouvre certainement des perspectives de traitement différent de ce champignon pathogène. Précisons enfin que la loi ALUR, votée en février 2014, impose que la présence de mérule soit déclarée en mairie, le préfet du département étant tenu de prendre un arrêté délimitant les zones de risque de présence de mérule lorsque plusieurs foyers ont été constatés.
La loi impose également aux opérateurs en diagnostic de procéder à une information sur la présence d’un risque de mérule en cas de vente d’un bien immobilier situé dans une zone concernée par l’arrêté préfectoral. La loi impose enfin aux entreprises de traitement, le traitement ou l’incinération sur place des bois et matériaux contaminés avant tout transport, en cas de démolition partielle ou totale d’un bâtiment infesté.
En conclusion et pour finir sur une note humoristique, la lecture de cet article quelque peu sévère, quel dommage qu’il n’existe pas un insecte xylophage se nourrissant de mérule, insecte parfait que nous pourrions alors qualifier de mycophage !!!
* Rhizomorphes : long cordon formé par l’agrégation de filaments mycéliens serrés, à orientation parallèle, à paroi épaissie vers l’extérieur, et ressemblant à des racines.
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