Dans les agglomérations classées en zones tendues, c’est le cas de l’agglomération parisienne, la fixation du loyer est soumise à une réglementation stricte dont l’objectif est de juguler l’inflation des loyers. Deux dispositifs ont été instaurés. L’un vise à plafonner les hausses de loyers, l’autre à encadrer leur niveau.
Dans ce contexte, quelle est la marge de manœuvre dont disposent les bailleurs qui ont réalisé des travaux pour augmenter le loyer lors d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail. C’est ce que nous examinerons après avoir rappelé le champ d’application de ces deux dispositifs.
CHAMPS D’APPLICATION DU PLAFONNEMENT ET DE L’ENCADREMENT DES LOYERS
1-Les locations concernées
Ce sont les locations de logements vides ou meublés, y compris ceux qui font l’objet d’un bail mobilité, à usage d’habitation principale ou à usage mixte d’habitation principale et professionnel régies par la loi du 6 juillet 1989, conclues ou renouvelées, étant précisé que les logements faisant l’objet d’une première location ou reloués après plus de 18 mois d’inoccupation par un locataire sont exclus du plafonnement mais non de l’encadrement des loyers.
2-Les zones concernées
Comme signalé, ce sont les zones tendues, c’est-à-dire les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés pour se loger et un niveau élevé des loyers. Toute l’agglomération parisienne est en zone tendue. Le plafonnement des loyers s’y applique de ce fait.
L’encadrement des loyers ne s’applique que sur les communes en zones tendues ayant sollicité la mise en place de ce dispositif et après adoption d’un décret pris en application de l’article 140 de la loi ELAN du 23 novembre 2018. C’est chose faite pour la ville de Paris, seule de l’agglomération parisienne où ce dispositif est actuellement en vigueur.
3- L’application dans le temps de ces deux dispositifs
Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, le plafonnement des loyers devient la règle pour toutes les zones tendues (mis en place auparavant sur décision du gouvernement) et a vocation à s’appliquer de manière pérenne.
L’encadrement des loyers, réintroduit par la loi ELAN, est un dispositif expérimental limité à une durée de 5 ans. Il est en vigueur à Paris depuis le 1er juillet 2019.
RÉGIME DU PLAFONNEMENT DES LOYERS ET MESURES RELATIVES AUX TRAVAUX RÉALISÉS PAR LE BAILLEUR
Pour la mise en place de ce dispositif, un décret de blocage est pris chaque année pour les baux conclus ou renouvelés entre le 1er août et le 31 juillet de l’année suivante. Celui actuellement en vigueur est le décret n° 2020-945 du 30 juillet 2020 reconduisant le décret n° 2017-1198 du 27 juillet 2017 modifié. Il pose un principe et l’assortit de dérogations.
1-Principe posé par le décret de blocage
Lors d’une nouvelle location, le loyer ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire. Il peut toutefois être révisé en fonction de la variation de l’indice IRL s’il ne l’a pas été au cours des douze derniers mois, l’indice à prendre en compte étant le dernier paru à la date de signature du nouveau bail.
Au renouvellement du bail, le loyer ne peut pas excéder le dernier loyer du bail renouvelé, actualisé en fonction de la variation de l’indice IRL, sauf s’il est manifestement sous-évalué.
2- Exceptions pour travaux réalisés par le bailleur : conditions requises
a- Conditions tenant à la nature des travaux
Les travaux doivent être des travaux de mise en conformité du logement avec les normes de décence ou des travaux d’amélioration. Ils peuvent porter indifféremment sur le logement lui-même ou les parties communes de l’immeuble.
Les critères de décence auxquels doivent répondre les logements mis en location en vertu de la loi du 6 juillet 1989 sont définis par un décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
Les travaux d’amélioration ne sont pas définis par un texte. Une réponse ministérielle du 16 décembre 1991 apporte cependant un éclairage. Selon cette réponse, il s’agit de travaux qui procurent un équipement nouveau ou des prestations de qualité supérieure ou qui permettent de réduire de manière sensible les dépenses d’entretien ou d’exploitation ou encore qui améliorent la sécurité des biens et des personnes. A titre d’exemple, peuvent constituer des améliorations la réfection d’une salle de bain avec des équipements sanitaires de qualité supérieure, la pose de double vitrage, le blindage de la porte d’entrée du logement avec serrure de haute sécurité, la création d’un ascenseur.
Par contre, des travaux de réparation, de remise en état du logement ou de remplacement d’éléments sans valeur ajoutée, tels que la réfection de peintures ou de papiers peints usagés, le remplacement d’équipements hors service par d’autres de gamme similaire, ne peuvent pas être qualifiés de travaux d’amélioration. Ces travaux répondent à l’obligation du propriétaire de délivrer et de maintenir le logement loué en bon état d’usage et de réparation et ses éléments d’équipement en bon état de fonctionnement ainsi que le dispose l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989.
Une nouvelle condition inscrite dans le décret de blocage des loyers du 26 juillet 2019 est désormais prescrite pour les baux conclus à compter du 1er janvier 2020 : la consommation en énergie primaire du logement doit être inférieure à 331 kWh par mètre carré et par an à l’issue de la réalisation des travaux. Il en résulte que si cette condition n’est pas remplie, le bailleur ne pourra pas augmenter le loyer quelle que soit l’importance des travaux réalisés. Signalons en outre que cette condition ne concerne désormais plus seulement le cas où des travaux sont réalisés. En vertu d’un décret du 30 décembre 2020 n°2020-1818, elle est généralisée à compter du 1er janvier 2021 à toute hypothèse de majoration du loyer au-delà de la révision indiciaire, donc aussi à celle où le loyer est manifestement sous-évalué.
b- Conditions tenant au montant des travaux et à leur date de réalisation
- Dispositions propres aux nouvelles locations et aux renouvellements
Concernant les nouvelles locations, le décret de blocage distingue deux situations.
- 1ère situation: le bailleur a réalisé des travaux de mise aux normes de décence ou d’amélioration pour un montant au moins égal à la moitié de la dernière année de loyer du précédent bail et ces travaux ont été faits au cours du précédent bail ou, si celui-ci a été renouvelé, au cours du dernier renouvellement. Dans ce cas, le loyer annuel peut être augmenté dans la limite de 15 % du montant des travaux TTC.
- 2ème situation: le bailleur a réalisé des travaux d’amélioration pour un montant au moins égal à la dernière année de loyer du précédent bail et moins de 6 mois avant la relocation du logement. Dans ce cas, le loyer peut être fixé librement.
Concernant les renouvellements, les conditions sont plus restrictives. Il faut que les travaux d’amélioration ou de mise aux normes de décence soient d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer du bail à renouveler et qu’ils aient été exécutés au cours de ce bail. Le bailleur aura alors le choix entre une majoration du loyer égale à la moitié de la différence entre le loyer appliqué avant le renouvellement du bail et un loyer représentatif des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables (puisque le loyer doit être sous-évalué) et une majoration du loyer annuel égale à 15 % tout au plus du montant TTC des travaux.
- Dispositions communes aux nouvelles locations et aux renouvellements
Ne doivent pas être compris dans les travaux pour l’appréciation de leur montant :
- les travaux d’économie d’énergie qui ont donné lieu ou donnent lieu à une contribution du locataire pour le partage des économies de charge ;
- les travaux d’amélioration réalisés par le bailleur en accord avec son locataire moyennant une augmentation de loyer convenue entre eux, stipulés dans le contrat ou un avenant.
RÉGIME DE L’ENCADREMENT DES LOYERS ET SON INCIDENCE SUR LES DISPOSITIONS DU PLAFONNEMENT
1-Mise en œuvre de l’encadrement des loyers
Pour l’application de ce dispositif sur Paris, le préfet de Paris prend chaque année un arrêté fixant, à partir des données relatives aux loyers collectées par l’Observatoire des loyers, un loyer de référence, un loyer de référence minoré (inférieur de 30 % au loyer de référence) et un loyer de référence majoré (supérieur de 20 % au loyer de référence) exprimés par un prix au m2 de surface habitable, par catégorie de logement (vide ou meublé, nombre de pièces principales et période de construction de l’immeuble) et par secteur géographique.
L’arrêté actuellement en vigueur est celui du 3 juin 2020.
2-Principes énoncés par le dispositif d’encadrement et leur articulation avec les dispositions du décret de blocage
a – Lors de la remise en location du logement
Le loyer ne peut en aucun cas être supérieur au loyer de référence majoré (principe applicable aussi aux premières locations et aux locations de logements inoccupés depuis plus de 18 mois par un locataire). Dès lors, si le dernier loyer était supérieur au loyer de référence majoré, il doit être ramené au montant de celui-ci.
Un complément de loyer peut toutefois s’ajouter au loyer de référence majoré si le logement présente « des caractéristiques de localisation et de confort le justifiant, par comparaison avec des logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ». Aucune indication n’est donnée sur ces caractéristiques, ce qui crée l’incertitude.
Ces mesures doivent être combinées avec celles du décret de blocage. Comment s’articulent-elles lorsque le bailleur remplit les conditions mentionnées plus haut pour déplafonner le loyer ?
Deux cas de figure se présentent :
- Le loyer déplafonné est inférieur ou égal au loyer de référence majoré. Dans ce cas, le loyer est fixé au montant du loyer déplafonné ;
- Le loyer déplafonné est supérieur au montant du loyer de référence majoré. Le loyer est, en ce cas, limité au montant du loyer de référence majoré. Il en résulte que la majoration pour travaux ne sera que partiellement appliquée, voire pas du tout si le loyer antérieur était déjà au niveau du loyer de référence majoré.
Le bailleur peut-il alors demander un complément de loyer lorsqu’il a réalisé des améliorations pour plus d’une année de loyer ? Cela paraît envisageable, mais tout dépend des améliorations réalisées. Il faudrait que grâce à ces améliorations, le logement présente, suivant la formule employée, des caractéristiques de confort le justifiant, par comparaison avec des logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique. Par exemple, pour un meublé, la réfection d’une cuisine et d’une salle de bain avec des matériaux luxueux et des équipements haut de gamme et en plus grand nombre que ceux exigés pour ce type de location permettrait de le penser.
b – Lors du renouvellement du bail
L’ajustement du loyer est soumis aux seules modalités prévues par les mesures d’encadrement.
Le principe applicable est que le loyer ne peut être réévalué que s’il est inférieur au loyer de référence minoré et la réévaluation elle-même a pour limite ce loyer de référence minoré.
Par ailleurs, le bailleur ne peut pas demander un complément de loyer au locataire car le complément de loyer n’est applicable que si le loyer de base est égal au loyer de référence majoré.
On peut donc déplorer que ces mesures découragent toutes velléités d’entreprendre des travaux et d’améliorer l’habitat.
Signalons que de nouvelles communes sur l’agglomération parisienne ont sollicité la mise en œuvre de ce dispositif sur leur territoire. Ce sont Aubervilliers, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, L’Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains et Villetaneuse.
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