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Copropriété : Comment changer la destination d’un lot ?

by | 9 décembre 2020 | Copropriété | 0 comments

Vous êtes copropriétaire et vous souhaitez changer la destination de votre local (habitation en commercial ou autre) ; sachez que ce changement est autorisé sous certaines conditions. La destination du lot de copropriété doit s’entendre de la destination des parties privatives au sens de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (et notamment de […]

Vous êtes copropriétaire et vous souhaitez changer la destination de votre local (habitation en commercial ou autre) ; sachez que ce changement est autorisé sous certaines conditions.

La destination du lot de copropriété doit s’entendre de la destination des parties privatives au sens de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (et notamment de son article 8, I al 1er) et doit être distinguée de la destination telle que définie par l’article R 151-27 du Code de l’urbanisme.

La destination du lot de copropriété abordée dans le présent article doit donc se comprendre dans le sens courant de l’utilisation, de l’“affectation” des parties privatives constitutives du lot de copropriété (article 1, I de la loi de 1965).

À l’instar du principe posé par l’article 544 du Code civil définissant le droit de propriété comme celui de “jouir des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements”, l’article 9, I al. 1er de la loi du 10 juillet 1965 dispose que chaque copropriétaire “use et jouit librement des parties privatives (comprises dans son lot) (…) sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble”.

Aucun texte n’impose à un copropriétaire de faire approuver – à son initiative – par l’assemblée générale le changement d’affectation de son lot dès lors que celui-ci est autorisé par le règlement de copropriété[1] ou qu’il ne porte atteinte ni à la destination de l’immeuble ni aux droits des autres copropriétaires[2]. Dans ce cas, l’assemblée générale – n’ayant aucun pouvoir discrétionnaire – ne peut que constater que le changement d’affectation ne se heurte à aucun obstacle à la majorité de l’article 24 (majorité des copropriétaires présents ou représentés).

Ainsi, un copropriétaire est libre de changer l’affectation de son lot pour autant qu’il respecte les conditions encadrant ce droit, lesquelles traduisent l’impératif de protection de l’intérêt collectif et des intérêts individuels.

PROTECTION DE L’INTÉRÊT COLLECTIF

La protection de l’intérêt collectif se traduit par le respect de la destination de l’immeuble, mais aussi par le respect des lois et règlements en vigueur.

Le respect de la destination de l’immeuble

La destination de l’immeuble est une notion centrale[3] en copropriété. Pour autant, elle ne fait pas l’objet d’une définition générale applicable à tous les immeubles. Tout au plus l’article 8, I, al 2 de la loi de 1965 se réfère pour sa définition aux “actes”, aux “caractères” et à la “situation” de l’immeuble et la doctrine s’accorde à dire qu’elle comprend :

  • des éléments objectifs tels que les caractéristiques techniques, architecturales, de conforts de l’immeuble, son environnement (quartier, services publics, transports, espaces verts, etc.), les actes régissant l’immeuble ainsi que le niveau social de ses occupants ;
  • des éléments subjectifs, c’est-à-dire que l’affectation dépend du choix et de la volonté de l’auteur de la mise en copropriété et/ou des attentes des copropriétaires ou acquéreurs des lots.

A noter que l’appréhension de cette notion est d’autant plus difficile qu’elle est évolutive puisque les caractères et/ou l’environnement de l’immeuble peuvent changer[4].

Le changement d’affectation doit donc respecter cette destination au risque de s’exposer à une action en cessation de l’infraction dans le délai de prescription qui est aujourd’hui de 5 ans[5] à compter du jour de la découverte des faits contestés[6]. Pour ce faire, il convient de vérifier avec attention si des clauses du règlement de copropriété et/ou de l’état descriptif de division[7] prohibent l’affectation envisagée ; auquel cas une approbation unanime des copropriétaires est nécessaire[8].

Il en va ainsi lorsque le propriétaire du local envisage de l’utiliser pour une activité commerciale tandis que la destination de l’immeuble est exclusivement bourgeoise (d’habitation). De même s’il projette d’installer un commerce en rez-de-chaussée d’un immeuble de standing dont l’activité pourrait entraîner des nuisances sonores ou olfactives interdites par le règlement.

« La protection de l’intérêt collectif se traduit par le respect de la destination de l’immeuble mais aussi par le respect des lois et règlements en vigueur ».

A noter toutefois qu’une clause prohibant certaines activités n’est valable que si la destination de l’immeuble le justifie. Dans le cas contraire, il pourrait être imposé un changement de destination – interdit par le règlement de copropriété – en faisant juger que cette clause est illicite.

En effet, il a été jugé illicite la clause du règlement de copropriété prévoyant que les changements d’affectation ne pourraient être effectués qu’après autorisation unanime des copropriétaires [9] . Au contraire, il a été jugé licite une clause soumettant à l’accord de l’assemblée générale tout changement d’activité commerciale et stipulant que seront refusés les commerces ayant pour effet de générer des nuisances olfactives, esthétiques et/ou des dangers[10].

Ainsi, en dehors de cas clairement prévus, l’appréciation du respect de la destination de l’immeuble s’opère au cas par cas. Les exemples jurisprudentiels sont nombreux.

Il a été jugé que bien que le changement soit en principe licite au regard de la destination mixte de l’immeuble, la transformation en habitation de locaux commerciaux au rez-de-chaussée peut porter atteinte à la destination de l’immeuble lorsque leur existence est indispensable à la desserte de la copropriété en commerces (Cass. 3e civ., 26-4-2006, n°05-12045).

Par ailleurs, dans le cas d’une (ré)affectation d’un local désigné comme commercial par le règlement, alors qu’il a été affecté depuis l’origine ou depuis plus de dix ans à un usage d’habitation, il a été considéré que l’affectation contractuelle constitue une faculté qui n’interdisait pas une affectation à un usage d’habitation et sa réaffectation en local commercial (Cass. civ. 3e, 19-10-2011, n° 10-20.634).

Le respect des lois et règlements en vigueur

Indépendamment du respect du règlement de copropriété et/ou de l’état descriptif de division, il conviendra d’obtenir les autorisations administratives nécessaires à la réalisation des travaux indispensables au projet : déclaration préalable de travaux ou permis de construire ainsi que – le cas échéant – l’autorisation de changement d’usage[11] à caractère réel – par l’acquisition de commercialité – ou à caractère personnel dans certaines conditions strictes, etc.

Naturellement, la réalisation de ces travaux[12] peut nécessiter une habilitation par l’assemblée générale selon les règles de majorité requises.

Par ailleurs, les dispositions de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété et généralisant le mécanisme dit de la “passerelle” entre les règles de majorité, pourraient être de nature à fluidifier les prises de décisions (article 25-1 de la loi de 1965).

PROTECTION DES INTÉRÊTS INDIVIDUELS

La liberté de changer l’affectation d’un lot de copropriété suppose que ce changement ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires.

Ainsi, le changement d’affectation ne doit pas causer d’actes dommageables aux autres copropriétaires, ni avoir pour effet d’engendrer des inconvénients excédant les inconvénients normaux de voisinage ; sauf s’il est possible d’y remédier par des aménagements et/ou des équipements particuliers de nature à épargner l’exploitant d’une action de cessation de son activité. Mais les troubles de jouissance doivent être réels ; les copropriétaires s’y opposant sans motif valable étant susceptibles de voir leur responsabilité engagée.

« La liberté de changer l’affectation d’un lot de copropriété suppose que ce changement ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires »

Les changements d’affectation relatifs aux activités de restauration, bar, etc., illustrent le contentieux en la matière.

Le recours à des professionnels spécialisés est donc indispensable pour analyser attentivement le règlement de copropriété et l’état descriptif de division, mais aussi pour appréhender la destination de l’immeuble à travers l’évolution dans le temps de celui-ci avant de requérir une autorisation de changement d’affectation de l’assemblée des copropriétaires. Un excès de prudence consistant à obtenir un accord, non nécessaire, des copropriétaires expose son auteur à un refus qui va le contraindre à renoncer à son projet ou à engager un contentieux long et hasardeux.

Ba Minh NGUYEN, Notaire chez SELARL Rebérat et Associés Not@ires à Paris 9e


[1] CA Paris 23e ch. A, 26-3-2003, n°2002/16792, Sté CJC c/ Synd. copr. résid. Cagnes-Camargues
[2] Cass. 3e civ., 20-1-2004, n°02-17120
[3] Plusieurs dispositions de la loi du 10 juillet 1965 s’y réfèrent : articles 8, 9, 24, 25, 26, 28, 30 et 34
[4] Lorsque d’autres lots sont déjà utilisés, conformément à l’affectation dont le changement est souhaité, depuis plusieurs années, sans opposition de la copropriété dans le délai de prescription légale, le changement d’affectation envisagée serait en principe licite. En revanche, si seuls les locaux situés en rez-de-chaussée peuvent être commerciaux, alors aucune activité commerciale ne peut être envisagée dans les appartements situés en étages (Cass. 3e civ., 20-5-1998)
[5] Article 42 de la loi du 10 juillet 1965 renvoyant à l’article 2224 du Code civil
[6] Cass. 28-5-2020, pourvoi n °19-12.908
[7] Cass. 3e civ., 6-7-2017, n°16-16849 : il y a lieu de se référer à l’état descriptif de division pour déterminer l’affectation des lots lorsqu’il lui a été conféré une valeur contractuelle par le règlement de copropriété et que ses dispositions sont plus précises que celles du règlement
[8] Cass. 3e civ. 7-5-1962. Cass. 3e civ., 19-10-2011, n° 10-20.634 (n° 1213 FS-PB), Casamayou et Sté Leca c/ Synd. des copr. de la résidence Cluc Engaly I
[9] CA Paris, 23e ch. B, 1-1-2006
[10]  Cass. 3e civ., 18-9-2013, n°12-23602
[11]  Article L.631-7, Code de la construction et de l’habitation
[12] Notamment ceux de l’article 25 b/ et e/ de la loi de 1965

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