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Comment donner sans léser ses héritiers ?

par | 11 mai 2021 | Gestion Patrimoniale | 0 commentaires

La donation temporaire d’usufruit, qui consiste à donner la jouissance d’un bien à un usufruitier pour une période déterminée et limitée, peut être utilisée au profit d’un organisme à but non lucratif. Quelles sont les démarches et les avantages à recourir à ce dispositif ? Même si la donation temporaire d’usufruit sert la plupart du […]

La donation temporaire d’usufruit, qui consiste à donner la jouissance d’un bien à un usufruitier pour une période déterminée et limitée, peut être utilisée au profit d’un organisme à but non lucratif. Quelles sont les démarches et les avantages à recourir à ce dispositif ?

Même si la donation temporaire d’usufruit sert la plupart du temps à aider un proche, elle peut être utilisée en faveur d’un organisme sans but lucratif (OSBL). Cette décision s’inscrit souvent dans une volonté d’agir pour une cause qui nous tient à cœur, mais aussi dans un souci d’optimisation fiscale.

La donation temporaire d’usufruit consiste pour le donateur à se dessaisir de son usufruit sur un bien donnant des revenus pour un temps donné au profit d’un donataire, tandis que le donateur conserve la nue-propriété. L’usufruit est donné pour une période que le donateur décide, cette durée est toutefois soumise à une condition : elle doit être supérieure à trois ans et inférieure à trente ans.

L’OSBL perçoit alors les revenus du bien sur lequel s’exerce son usufruit. Il peut s’agir des loyers d’un immeuble, des dividendes ou coupons d’un organisme de placement collectif en valeurs mobilières. Cela peut être également l’usage d’un immeuble mis à disposition d’un établissement pour l’accomplissement de son objet statutaire.

LES AVANTAGES DE L’USUFRUIT TEMPORAIRE

Il y a bien sûr un avantage fiscal : le bien dont vous donnez l’usufruit à titre temporaire sort de l’assiette de l’IFI et dans la mesure où le donateur ne perçoit plus les revenus, cela diminue corrélativement ses revenus fonciers.

La nature temporaire de l’usufruit est un autre avantage tout comme le fait que le bien ne sorte pas de votre patrimoine : vous permettez simplement à l’OBSL en toute propriété de percevoir les fruits du bien pendant une durée que vous déterminez.

Le bien dont vous donnez l’usufruit à titre temporaire sort de l’assiette de l’IFI et dans la mesure où le donateur ne perçoit plus les revenus, cela diminue corrélativement ses revenus fonciers

Le troisième avantage est que vous ne lésez pas vos héritiers. Certes, il est toujours possible de consentir un don ou un legs à un OSBL en toute propriété, mais l’impact pour vous et votre famille est que le bien quitte alors définitivement votre patrimoine. Certains donateurs qui voudront préserver les droits de leurs héritiers se pencheront donc plutôt vers le don temporaire d’usufruit.

A QUOI SERT UN DON TEMPORAIRE D’USUFRUIT ?

Afin d’expliciter l’utilité d’un don temporaire d’usufruit, développons trois exemples relatifs à différents types de biens.

Si vous consentez un don temporaire d’usufruit à un OSBL sur une maison ou un appartement, l’organisme aura la jouissance du bien (il pourra l’occuper). Il percevra des revenus, le cas échéant, c’est-à-dire que si le bien est loué, c’est l’usufruitier qui va encaisser les loyers. L’organisme aura la possibilité de donner le bien en location : l’usufruitier peut donner un bien en location sans l’accord du nu-propriétaire, mais cela ne vaut pas pour tous les types de location puisque les locations de longues durées comme les baux ruraux ou commerciaux, ne peuvent être conclues qu’avec l’accord du nu-propriétaire.

Si vous consentez un don temporaire d’usufruit à un OSBL sur des parts sociales d’une SCI, par exemple, l’organisme va pouvoir, pendant la durée de l’usufruit, percevoir les fruits et dividendes qui seront distribués par la société et voter aux assemblées générales.

Si vous consentez un don temporaire d’usufruit à un OSBL sur des valeurs mobilières, il va pouvoir, pendant la durée de l’usufruit, percevoir les fruits et dividendes et réaliser des arbitrages. A charge pour l’organisme de restituer l’équivalent en nature ou en valeur en fin d’usufruit.

QUE SE PASSE-T-IL ?

  • En cas de vente du bien : Pour un immeuble, en cas de vente, il faudra l’accord du donateur et du donataire ; l’OSBL exercera son usufruit sur le prix de cession (cf C. civ., art. 621) ou sur le nouveau bien racheté en accord avec le nu-propriétaire. En cas de vente d’un portefeuille de valeurs mobilières, c’est l’OSBL qui peut arbitrer.
  • En cas d’accroissement du bien : Si, par exemple, une augmentation de capital a lieu sur des titres ayant fait l’objet d’une donation temporaire d’usufruit, les actions nouvelles suivent le même régime que les anciennes et connaîtront donc le même démembrement.
  • En cas de décès du donateur : Si l’usufruit temporaire est encore en cours, c’est alors la nue-propriété du bien qui sera transmise aux héritiers. L’héritier va donc supporter l’usufruit pendant la durée restante. A la fin de l’usufruit, ledit usufruit se reconstitue sur la tête du nu-propriétaire (c’est-à-dire soit le donateur, soit ses héritiers).

CONSEILS PRATIQUES

Afin d’écarter tout malentendu, et compte tenu que le donateur (ou ses héritiers) nu-propriétaire a vocation à redevenir pleinement propriétaire du bien à l’extinction de l’usufruit temporaire, il sera judicieux d’envisager dans l’acte de donation quelles seront les prérogatives de chacun (actes de gestion, d’administration, de disposition).

On pourra ainsi tout d’abord se fonder sur les règles édictées par le Code civil sans oublier de s’adapter au type de bien.

Si la donation d’usufruit concerne un immeuble, il s’agira de décider qui peut assister et voter aux assemblées générales des copropriétaires pour un lot de copropriété.

Concernant les travaux, ce sont les articles 605 et 606 du Code civil qui posent les principes. Les ravalements, les gros travaux et toutes les réparations autres que celles dites locatives ou récupérables résultant du décret du 26 août 1987, incomberont au nu-propriétaire qui devra les faire exécuter à ses frais. Cependant, il est important de prévoir que l’usufruitier devra subir les gros travaux sans pouvoir réclamer d’indemnités au titre de la privation de jouissance, quelle que soit la durée desdits travaux. Il est possible conventionnellement de déroger à ces principes en prévoyant que tous les travaux même importants incomberont à l’usufruitier par exemple.

Concernant les charges, celles qui figurent à l’article 605 (réparations d’entretien et réparations locatives) et à l’article 1754 du Code civil (chauffage, frais de concierge, eau chaude, ascenseur, taxe d’habitation, taxe d’ordures ménagères, etc.), à savoir les charges dites locatives ainsi que les charges liées aux appareils de chauffage s’ils constituent un équipement individuel, incombent à l’usufruitier. Les immeubles par destination tels que le cumulus, les appareils sanitaires, éviers, portes et fenêtres, ainsi que les équipements d’électricité, compteurs, utilisés du fait du droit d’usage et d’habitation par l’usufruitier, seront réparés s’il y a lieu par celui-ci sans indemnité d’aucune sorte due par le nu-propriétaire.

Les charges incombant au nu-propriétaire sont celles figurant à l’article 606 du Code civil (gros travaux, toiture entière, ravalement, impôt foncier, assurance des murs de l’immeuble, frais de syndic), à savoir les charges du propriétaire. Cependant, il est conventionnellement possible de déroger à ces principes en prévoyant que toutes les charges (charges de copropriété, par exemple) et taxes (taxe foncière outre la taxe d’habitation) seront à la charge de l’usufruitier.

Afin d’écarter tout malentendu […], il sera judicieux d’envisager dans l’acte de donation quelles seront les prérogatives de chacun (actes de gestion, d’administration, de disposition)

Afin d’anticiper une affectation du bien en garantie – c’est-à-dire quand l’usufruitier souhaite remettre, à titre de sûreté d’une dette, le bien à un créancier – il convient de prévoir que l’OSBL aura interdiction de vendre, aliéner, nantir ou remettre en garantie, sans l’accord du nu-propriétaire, l’usufruit des biens donnés.

Si la donation d’usufruit concerne une société, il convient de définir précisément les droits de vote de l’usufruitier et du nu-propriétaire. L’usufruitier peut avoir le droit de vote à toutes les assemblées générales (tant ordinaires qu’extraordinaires) ou uniquement à un type d’assemblée générale (ordinaire ou extraordinaire, en fonction de leur objet comme celles décidant l’affectation du bénéfice).

Pour protéger le nu-propriétaire, on peut prévoir qu’il pourra prendre part aux votes pour les décisions affectant directement la substance même de ses droits sociaux (par exemple, la décision de dissoudre la société). Il peut également être décidé que l’exercice du droit de vote de l’usufruitier ne devra ni amener une augmentation des engagements du nu-propriétaire ni s’exercer dans le dessein de favoriser ses intérêts au détriment de ceux des autres associés.

Enfin, on peut prévoir un droit d’information et d’assistance du nu-propriétaire à toutes les assemblées générales.

Si la donation d’usufruit concerne un portefeuille de valeurs mobilières, il est opportun de déterminer avec le nu-propriétaire et l’usufruitier quelle sera l’orientation de gestion du portefeuille (à risque ou sécurisée), quel sera le type d’actif privilégié, avec un droit d’information périodique du nu-propriétaire.

Exemple de calcul des avantages fiscaux d’une donation temporaire d’usufruit :

Patrimoine immobilier net du donateur : 1,3 M€ dont un appartement à Nantes d’une valeur de 150 K€ et produisant un revenu net de 5 000 €/an (correspondant aux loyers encaissés pour cet appartement).

Donation temporaire d’usufruit de 9 ans à un organisme sans but lucratif de l’appartement de Nantes : le revenu procuré à l’OSBL est de 45 K€ (soit 5 000 € par an pendant 9 ans).

Après donation, le bien de Nantes détenu uniquement en nue-propriété sort donc de l’assiette de l’IFI. Le patrimoine soumis à l’IFI restant est alors de 1,15 M€.

Le donateur n’est plus redevable de l’IFI ce qui représente pour lui un gain annuel de 2 500 €.

Par an, le gain sur l’impôt sur le revenu du fait de la diminution des revenus fonciers est de 3 110 € avec les contributions sociales.

Sur la durée de donation temporaire de 9 ans, le donateur bénéficiera alors d’un gain d’impôts de : (2500 + 3110) x 9 = 50 490 €

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