L’administration des impôts peut réévaluer le prix ou l’évaluation des biens ayant servi de base à la perception d’une imposition lorsque ceux-ci semblent inférieurs à la valeur vénale (1) réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations.
« Une proposition de rectification peut être adressée au contribuable par courrier simple qui n’entraîne donc aucun délai de réponse » explique Pierre-Emmanuel GUIDET, avocat fiscaliste et consultant bénévole à la Chambre. « En revanche, lorsque la demande est envoyée en recommandé, le contribuable a un délai de 30 jours pour faire parvenir des observations ou faire parvenir son acceptation au signataire de la proposition. La date de réception correspondant à la date de retrait du pli ou, à défaut, à la date de présentation au domicile. » Sur les conseils du fiscaliste, le contribuable doit profiter de ce délai pour prendre le temps de la réflexion, voire pour consulter un expert, et décider s’il saisit la commission départementale de conciliation afin de faire valoir ses droits.
» Attention, une demande de renseignements avec une proposition de rendez-vous écarte le recours à la commission » précise Maître GUIDET. » Il ne faut pas prendre cette procédure à la légère. Il est intéressant de prendre l’avis d’un expert tel qu’un avocat ou un consultant de la Chambre avant ce rendez-vous qui se soldera par le dépôt d’une nouvelle déclaration rectificative et d’une remise d’intérêts de retard. »
LA PROCÉDURE DE RELANCE DES DÉCLARATIONS
Si vous ne déposez pas de déclaration d’impôts car vous estimez que la valeur vénale de votre patrimoine ne le justifie pas, mais que l’administration fiscale pense le contraire, cette dernière enverra une lettre de relance amiable.
Deux possibilités s’offrent à vous.
Vous déposez une déclaration qui sera contrôlée par l’administration. Cette dernière vous enverra éventuellement une proposition de rectification si elle n’est pas d’accord avec vos estimations. Vous aurez alors 30 jours pour refuser le redressement, l’accepter ou demander un délai supplémentaire de 30 jours. « En règle générale, il faut demander un délai supplémentaire car, à ce moment-là, les intérêts de retard ne courent plus » conseille Maître GUIDET.
Si dans ce délai, aucune réponse n’est formulée, l’accord est considéré comme tacite et vous recevrez un avis de mise en recouvrement.
A la suite d’une lettre de relance amiable, vous pouvez également décider de ne pas déposer de déclaration. L’administration sera alors obligée de faire une proposition de rectification établissant le caractère imposable de votre patrimoine. « Cette démarche permet de savoir ce que l’administration fiscale connait de votre patrimoine. Ce sera ainsi plus facile de déterminer l’attitude à adopter à partir des éléments donnés par les impôts » précise Pierre-Emmanuel GUIDET.
Si les valeurs de l’administration vous conviennent, vous déposez une nouvelle déclaration qui sera soumise au contrôle de l’administration qui aura la possibilité d’envoyer une proposition de rectification. Si vous l’acceptez, vous recevrez un avis de mise en recouvrement.
Si aucune déclaration n’est déposée, l’administration vous mettra en demeure de le faire. Si dans un délai de 30 jours, vous ne vous exécutez pas, l’administration établira elle-même le montant d’imposition (procédure de taxation d’office).
LA SAISINE DE LA COMMISSION
La commission départementale de conciliation des services fiscaux est saisie par le contribuable. La saisie par l’administration fiscale se fait plus rarement.
Le recours à la commission n’est possible que dans le cas où l’administration a engagé la procédure de rectification contradictoire. De ce fait, la commission n’est pas compétente lorsqu’une taxation d’office est mise en œuvre.
La commission ne peut être saisie qu’en cas de persistance du désaccord, c’est-à-dire lorsque le contribuable présente des observations suite à la réception de la proposition de rectification.
A compter de la réception de la réponse de l’administration à ses observations, le contribuable dispose d’un délai de 30 jours pour présenter la demande de saisine de la commission. Il est également possible de saisir la commission avant la réception de la réponse de l’administration selon les mêmes modalités tant que le désaccord persiste.
L’administration est tenue de donner suite à la demande de saisine que lui fait parvenir le contribuable.
Il n’existe aucune forme particulière de saisine de la commission. Dès lors, il peut s’agir d’une simple lettre adressée par le contribuable au secrétariat.
Si la saisine est à l’initiative de l’administration, la transmission du rapport à la commission vaudra saisine. Le rapport de l’administration, établi par l’auteur de la proposition de rectification ou son remplaçant, fait ressortir la nature et l’étendue des différents points en litige ainsi que les positions respectives du contribuable et de l’administration.
LES COMPÉTENCES DE LA COMMISSION DE CONCILIATION
La commission départementale de conciliation est compétente pour les insuffisances de prix ou d’évaluation relevées dans les actes ou déclarations assujettis aux droits proportionnels ou progressifs d’enregistrement ainsi que dans la taxe de publicité foncière.
Plus précisément, les actes visés sont :
- les transmissions, entre vifs ou par décès (à titre gratuit ou à titre onéreux),
- des actes constatant un apport en société,
- des partages,
- les déclarations de patrimoine servant de base au calcul de l’IFI,
- les droits d’enregistrement.
Les biens concernés sont :
- la propriété, l’usufruit ou la jouissance d’immeubles, fonds de commerce, clientèle, etc.,
- les biens meubles,
- les navires et bateaux,
- le droit à un bail ou bénéfice d’une promesse de bail sur tout ou partie d’un immeuble.
COMPOSITION DE LA COMMISSION
La commission départementale de conciliation est composée d’un magistrat de l’ordre judiciaire qui assure les fonctions de président et de 8 autres membres : 4 représentants de l’administration (le directeur départemental des finances publiques et 3 trois fonctionnaires de la direction générale des finances publiques), un notaire et 3 représentants des contribuables (1 désigné par la ou les chambres de commerce et d’industrie territoriales, 1 désigné par les fédérations départementales des syndicats d’exploitants agricoles, et 1 choisi par la ou les chambres syndicales de propriétaires du département). Cf article 1653 A du CGI.
Enfin, sont présents le vérificateur, c’est-à-dire l’agent des impôts ayant fait la proposition de rectification, ainsi que le contribuable.
» Le contribuable peut se faire représenter, mais la commission préfère qu’il soit présent « , précise Pierre-Emmanuel GUIDET. Dans la mesure du possible, le contribuable doit être accompagné d’un expert ou d’un avocat, voire des deux. Si ses moyens le permettent et que l’enjeu financier le justifie.
L’ÉVALUATION DE LA VALEUR DU PATRIMOINE
L’évaluation des biens représente le fondement de la commission de conciliation. Elle doit correspondre à la valeur vénale des biens au moment du fait générateur de l’impôt (1er janvier en matière d’IFI ou date du décès en matière de succession).
Les éléments de comparaison sont les principaux critères utilisés pour faire l’estimation de cette valeur.
Comment les trouver ? Sur la base de l’administration fiscale DVF ETALAB ainsi que sur la base bien, la base des notaires, accessible par abonnement aux professionnels de l’immobilier. D’où l’intérêt de recourir à un expert pour réaliser votre évaluation. D’autant plus que toutes les informations nécessaires à une bonne estimation ne sont pas présentes sur DVF ETALAB.
Les éléments de comparaison ne sont pas suffisants pour estimer la valeur vénale de son patrimoine. Il existe des cas de figure qui justifient des abattements. C’est dans ces cas que la consultation d’un expert immobilier se justifie.
» La valeur ajoutée des experts, c’est de montrer qu’il existe des facteurs particuliers venant modifier la valeur vénale d’un bien « , explique Maître GUIDET.
» Par exemple, mon bien est moins cher que celui de mon voisin car il est loué en loi 48 ou il est en indivision, des procédures judiciaires le concernant sont en cours, il n’a pas de salle de bains, il faut changer les vitres, la hauteur sous plafond est trop basse, les pièces sont communicantes, etc. Tous ces éléments ne sont pas sur DVF ETALAB » précise Jean PINSOLLE, président de la Chambre. « Réaliser seul une estimation immobilière n’est pas conseillé car vous n’avez pas les connaissances requises. Un expert immobilier, quant à lui, sait quels sont les critères objectifs pour estimer la valeur vénale de votre patrimoine. Internet n’est pas la panacée. »
Mais alors, comment choisir un expert immobilier ? » La dénomination d’expert immobilier n’est pas protégée. Je vous conseille d’opter pour des experts amiables qui font partie d’une organisation de professionnels ayant souscrit à la charte de l’expertise en évaluation immobilière. Cette dernière établit l’intégralité des diligences qui sont rendues dans le cadre d’une expertise et dans le cadre du service au client. Il existe 7 à 8 organisations de ce type » explique Jean PINSOLLE. « Ensuite, il y a les experts amiables qui sont devenus experts judiciaires car ils ont postulé auprès du tribunal de leur résidence professionnelle et qui ont été nommés par le procureur de la République expert judiciaire pour des périodes renouvelables à 5 ans« .
Lors de la commission de conciliation, il faut apporter des éléments prouvant que l’estimation que vous avez faite de votre patrimoine est basée sur des critères objectifs. « Par exemple, il faut apporter des devis de remise en état d’un appartement, un procès-verbal, des baux, des photos, un rapport d’expertise immobilière le cas échéant » précise Jean PINSOLLE. « Un rapport d’expertise de qualité aura une grande influence sur la détermination de la valeur par la commission« . Si vous en avez les moyens et si l’enjeu financier le justifie, il est donc conseillé de s’offrir les services d’un expert en estimation immobilière.
LES ÉTAPES DE LA COMMISSION
Le secrétaire de la commission convoque les commissaires et le contribuable, puis il communique à ce dernier le rapport de l’administration.
Par la suite, le contribuable va envoyer à la commission des observations sur ce dossier ou un rapport d’expertise. Ces éléments doivent être transmis plusieurs jours avant la commission.
Pendant la séance, le vérificateur explique sa méthode d’évaluation. Puis, le contribuable, son avocat ou l’expert expliquent la leur. Un dialogue s’engage, des questions sont posées. « En général, le climat est plutôt détendu lors d’une commission. Cela ne sert à rien d’être agressif envers les représentants de l’administration, au contraire, mais il ne faut pas non plus se laisser faire « , précise Pierre-Emmanuel GUIDET.
Après la séance, la délibération a immédiatement lieu. C’est la raison pour laquelle les documents doivent être présentés le jour J. Envoyer des documents justificatifs après la commission ne représente aucune utilité.
Il arrive qu’après délibération, le président de la commission convoque le contribuable et le vérificateur pour leur expliquer la décision prise.
L’avis rendu par la commission est consultatif. Toujours est-il qu’il ne faut surtout pas négliger son importance puisqu’il est généralement suivi par l’administration fiscale.
La notification de l’avis de la commission de conciliation a pour effet d’accéder à l’établissement de l’imposition. En pratique, l’administration fait connaître le chiffre qu’elle propose de retenir comme base d’imposition dans une lettre. Ce chiffre peut être supérieur à celui de la commission, mais il ne peut excéder celui établi dans la proposition de rectification.
» S’il existe un désaccord avec l’avis rendu par la commission, vous pouvez demander un rendez-vous avec l’inspecteur principal des impôts. Dans le cadre d’une ESFP (examen de la situation fiscale personnelle) ou d’une procédure plus lourde, vous pouvez demander un rendez-vous avec l’interlocuteur départemental des impôts. Par la suite, l’administration fiscale donne un avis de mise en recouvrement. C’est à partir de ce moment que le contribuable peut initier un contentieux avec demande de sursis de paiement ou non » explique Maître GUIDET.
Il ajoute : » J’attire votre attention sur une dernière disposition de la loi ESSOC (2) lorsque vous avez des pénalités de manquement délibéré parce que l’administration pense que vous êtes de mauvaise foi. Si vous demandez le recours hiérarchique, c’est l’interlocuteur départemental des impôts qui va vous recevoir. Il s’agit d’un véritable progrès puisqu’il est plus à l’écoute du contribuable en revoyant tout le dossier depuis le début. L’inspecteur principal qui a mis les pénalités ne va pas se déjuger « .
Pierre-Emmanuel GUIDET conclut en précisant qu’entre une proposition de rectification ou même une demande de renseignement et la décision de rejet du Tribunal de Grande Instance qui va rendre les sommes exigibles, il peut se passer entre 5 et 7 ans. De quoi laisser le temps de bien réfléchir à une stratégie.
(1) Valeur vénale : valeur à laquelle vos biens peuvent être vendus.
(2) Loi ESSOC : La loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance dite loi ESSOC, consacre et met en œuvre un principe essentiel de confiance dans les relations entre les usagers, particuliers comme entreprises, et l’administration, en développant la capacité d’information et d’accompagnement des usagers par les services publics et, plus généralement, en améliorant la qualité du service rendu.
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