Pour mettre fin à un bail commercial, certaines procédures, notamment en termes de délais, doivent être respectées. Le point par Jean Pinsolle, président de la Chambre des Propriétaires du Grand Paris UNPI.
Le terme du bail commercial n’est pas extinctif. Il ne marquera la fin du bail que du moment qu’un congé sera délivré par le bailleur ou qu’une demande de renouvellement aura été réalisée par le preneur. Le bail ne cesse que par l’effet d’un congé et à défaut se poursuit par tacite prorogation au-delà de son terme. On dit que le bail se proroge tacitement.
DÉLAI DE PRÉAVIS DU BAILLEUR
Le congé est donné au moins 6 mois à l’avance, sous la forme d’un exploit d’huissier.
Ainsi, pour un bail venant à expiration le 31 décembre, le congé devra être donné au minimum le 30 juin.
Bien entendu, il pourra être donné bien avant cette date.
Si la date du 30 juin est dépassée, le bail ne cessera que par l’effet d’un congé qui devra respecter 2 conditions :
- être donné 6 mois à l’avance ;
- être donné pour le dernier jour d’un trimestre civil.
1- Forme et contenu du congé
Le congé est donné par acte extra-judiciaire ; le congé donné sous une autre forme est nul.
De manière générale, on peut citer 4 motifs de congé :
- congé avec offre de renouvellement au loyer plafonné ;
- congé avec offre de renouvellement au loyer déplafonné ;
- congé sans offre de renouvellement avec indemnité d’éviction ;
- congé sans offre de renouvellement sans indemnité d’éviction (pour motif grave et légitime).
Le congé devra préciser à peine de nullité que le locataire qui entend soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans (L 145-9 alinéa 5 du Code de commerce).
Article L145-9 du Code de commerce : « Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l’effet d’une notification faite six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Cette notification doit mentionner la réalisation de l’événement prévu au contrat.
S’agissant d’un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l’expiration de l’une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l’alinéa premier ci-dessus.
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.»
2- Auteur du congé
C’est le bailleur qui donne congé.
En cas de mandat de gestion, le congé sera délivré au nom du bailleur.
En cas d’usufruit et d’indivision, l’usufruitier ne peut seul délivrer congé sur la base de l’article 595 alinéa 4 du Code civil : …« L’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal »…
Il ne peut pas non plus consentir le renouvellement du bail.
En cas de pluralité de bailleurs, lorsque le bien est en indivision, le congé sera délivré au nom de chaque coïndivisaire.
3- Destinataire du congé
Le congé devra être signifié au propriétaire du fonds de commerce exploité dans les lieux loués.
4- Réponse du locataire / preneur
Il existe deux possibilités :
- Le locataire / preneur accepte le congé notifié par le bailleur aux clauses et conditions proposées et il n’y a pas de formes particulières à respecter sauf à se ménager la preuve de l’accord et à signer un nouveau bail ;
- Le locataire / preneur peut accepter le principe du renouvellement, mais contester les modalités de l’offre. Ici encore, il n’y a pas de formes particulières à respecter sauf à se ménager la preuve de l’accord …
Si le désaccord des parties porte sur un élément essentiel du contrat, comme le point de départ du bail renouvelé, l’acceptation n’est pas valable et le contrat n’est pas formé.
Si le désaccord porte sur le montant du loyer, la partie qui y a intérêt (normalement le bailleur qui a proposé le renouvellement du bail avec une hausse de loyer) doit alors saisir le juge des loyers d’une demande de fixation du loyer du bail renouvelé – le locataire pourra bien évidemment demander une baisse de son loyer.
Si aucune partie ne le fait dans le délai de deux ans de l’article L 145-60, cette inaction n’entraîne ni la caducité du congé, ni la déchéance du locataire qui ne devient pas occupant sans droit ni titre : le bail est renouvelé aux clauses et conditions, et notamment de prix, du bail expiré.
Article L145-60 du code de commerce : « Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.»
Cet article est extrêmement important car il concerne la prescription en matière d’instance pour les deux acteurs du bail commercial, à savoir 2 ans.
DEMANDE DE RENOUVELLEMENT DU LOCATAIRE/PRENEUR
Plutôt que de laisser le bail se proroger tacitement aux clauses et conditions du bail expiré, le locataire peut avoir intérêt à obtenir le renouvellement de son bail – même au prix d’une augmentation de loyer…
Ses deux motivations principales seront la cession de son fonds de commerce et/ou de faire échec au bailleur qui laisse se proroger le bail au-delà de 12 ans.
Il y a une certaine symétrie entre le congé et la demande de renouvellement, chacun de ces deux actes met fin au bail en cours.
Le bailleur peut donner congé pour le terme du bail au moins 6 mois à l’avance. S’il ne l’a pas fait, le locataire / preneur peut, dans les 6 mois qui restent et qui précèdent le terme, faire une demande de renouvellement.
Passé le terme, contractuel et à tout moment, le bailleur peut donner congé et le locataire faire une demande de renouvellement. Le bail est alors renouvelé à compter du premier jour du trimestre civil faisant suite à la demande.
Article L145-12 du code de commerce : « La durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue. Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article 145-4 sont applicables au cours du bail renouvelé. Le nouveau bail prend effet à compter de l’expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande. Toutefois, lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail, et si, par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. »
1- Forme de la demande de renouvellement
Elle doit être faite sous la forme recommandée avec accusé-réception ou par exploit d’huissier.
2- Auteur et destinataire de la demande
Elle est faite par le locataire ou ses ayants droits. S’il y a plusieurs locataires, elle est faite au nom de chacun d’eux.
Elle peut être signifiée :
- au bailleur ;
- à son gérant : l’article L 145-10 alinéa 2 du Code de commerce prévoit que le gérant du bailleur est présumé qualifié pour recevoir la demande du locataire, sauf si le bail prévoit une clause contraire. Article L145-10 du Code de commerce : « A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation. La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu’à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S’il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l’un d’eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l’égard de tous. Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l’alinéa ci-dessous. Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent. L’acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement.
- à l’un des propriétaires s’il y en a plusieurs ;
- en cas d’usufruit, la demande de renouvellement doit être adressée à l’usufruitier et au nu-propriétaire et non au seul usufruitier.
3- Date de la demande de renouvellement
En cours de bail, le locataire peut faire une demande de renouvellement que lorsque le bailleur ne peut plus donner congé.
Une demande de renouvellement faite plus de 6 mois avant l’échéance sera nulle.
En période de tacite prorogation du bail commercial, le locataire peut faire une demande à tout moment.
Le point de départ du nouveau bail sera le terme civil suivant la demande.
4- Suite de la demande de renouvellement
Elle est symétrique aux effets du congé. Le bailleur peut répondre – sans formes particulières – en acceptant le renouvellement et en sollicitant un nouveau loyer.
S’il ne propose pas de nouveau loyer, celui-ci sera dû à compter du jour où il en fera la demande.
Il peut refuser le renouvellement avec ou sans offre d’indemnités d’éviction pour motifs graves et légitimes ou avec dénégation du droit au statut des baux commerciaux.
Si le bailleur ne répond pas dans le délai de 3 mois, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement pour un prix à fixer ultérieurement.
Cependant, il ne s’agit que d’une acceptation provisoire tant que le bail n’est pas signé ou qu’un jugement définitif n’en tient pas lieu.
Par conséquent :
- le bailleur peut toujours la rétracter ;
- il peut denier le bénéfice du droit au statut ;
- il peut invoquer des motifs de refus qui n’auraient été découverts que postérieurement à la demande de renouvellement.
En conclusion, nous rappellerons que le terme du bail n’est pas extinctif de celui-ci et que seul un congé ou une demande de renouvellement y mettront fin.
Le bail commercial donne naissance à un droit au profit du locataire : le droit au renouvellement ou à défaut à l’indemnisation du préjudice qu’il subit en cas de non-renouvellement (le paiement de l’indemnité d’éviction).
Sans action de l’une des deux parties, le bail se prorogera donc indéfiniment aux clauses et conditions du bail expiré.
Le bailleur devra donc être extrêmement vigilant tant à la forme qu’au contenu du congé qu’il fera délivrer à son locataire et se fera utilement entourer de conseils avisés.
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