Réaliser un testament n’est pas obligatoire. En revanche, cela a beaucoup d’utilités ». C’est par ces mots que Bruno Vié, notaire et consultant bénévole à la Chambre, débute la conférence qu’il a animée dans nos locaux le jeudi 7 février.
DISPOSITIONS PATRIMONIALES
Le testament est un écrit par lequel une personne dispose de la manière dont ses biens – mobiliers et immobiliers – seront distribués après son décès. Plus précisément, « un testament permet de transmettre ses biens – autrement dit faire un legs – après son décès et de les répartir ou de les partager entre les bénéficiaires, explique Maître Vié. Un testament permet également d’avantager quelqu’un, mais aussi de déshériter une personne. Enfin, cela permet d’anticiper sur la transmission de son patrimoine. » A ce moment de la conférence, un adhérent s’interroge sur les conséquences d’un testament vis-à-vis des héritiers. Le notaire lui répond : » Même si vous avez rédigé un testament, une part de votre patrimoine – la réserve héréditaire – est dédiée à vos enfants ou à défaut à votre conjoint. Le reste de votre patrimoine s’appelle la quotité disponible. Vous pouvez, dans une donation ou un testament attribuer cette part à n’importe quelle personne, membre de la famille ou non. A défaut de testament ou de dispositions particulières, les héritiers recevront tout le patrimoine. »
LES DIFFÉRENTS TYPES DE LEGS
Il existe 3 types de legs :
- le legs universel permet de léguer tous vos biens à une personne (appelé légataire universel). La désignation de plusieurs légataires universels est assimilée à des legs à titre universel.
- le legs à titre universel permet de léguer à une personne (appelé légataire à titre universel) une partie de vos biens (la moitié, le quart, etc) ou une catégorie de vos biens (seulement les biens immobiliers, par exemple) ;
- le legs particulier vous permet de léguer à une personne (appelée légataire particulier) un ou plusieurs biens déterminés (un bijou par exemple). Le légataire universel ainsi que le légataire à titre universel doivent payer les dettes de votre succession proportionnellement à leur part. Le légataire particulier n’a pas cette obligation.
AUTRES DISPOSITIONS
Un testament permet également de désigner une personne chargée d’exécuter vos dernières volontés : l’exécuteur testamentaire. » Il est rare qu’un exécuteur testamentaire soit désigné dans un testament. Cela est utile dans certaines familles lorsque l’on a peur que les dispositions prises ne soient pas respectées « , précise Maître Vié. L’exécuteur testamentaire veille à la bonne exécution du testament.
A cet effet, il peut prendre des mesures conservatoires, c’est-à-dire faire procéder à l’inventaire de la succession ou faire vendre des meubles à défaut de liquidités suffisantes pour acquitter les dettes urgentes de la succession. L’exécuteur testamentaire peut également procéder à l’exécution des volontés, notamment en l’absence d’héritiers réservataires* : vente des biens, placement des fonds, paiement des dettes, etc. La mission de l’exécuteur testamentaire est gratuite et prend fin au plus tard 2 ans après l’ouverture du testament. Une prorogation d’une année au plus peut être accordée par le juge. L’exécuteur testamentaire doit rendre des comptes dans les 6 mois après la fin de sa mission. Réaliser un testament permet également de nommer un tuteur pour ses enfants mineurs.
COMMENT BIEN RÉDIGER SON TESTAMENT
La rédaction d’un testament est libre. L’essentiel est que le testament soit compréhensible et non équivoque. Par exemple, évitez d’écrire » je lègue ma voiture à mon neveu préféré » si vous avez plusieurs neveux et plusieurs voitures. Le notaire aura du mal à identifier qui est votre neveu préféré et quelle voiture vous lui léguez. Un testament doit également être rédigé dans des termes à la fois précis et généraux pour éviter de devoir le réécrire à chaque modification du patrimoine ou de la composition de la famille. » Par exemple, si vous avez tout légué à votre neveu Damien et que celui-ci meurt avant vous, c’est comme si vous n’aviez rien fait. Pour être efficace, il faut prévoir dans un testament plusieurs tiroirs pour ne pas voir son testament déjoué. Parce que le Damien en question, il peut aussi renoncer à la succession. La solution est de prévoir des légataires successifs « , explique Maître Vié.
La rédaction d’un testament est donc une chose très délicate à faire. Attention, tout le monde ne peut pas écrire un testament. Il faut en avoir la capacité juridique – autrement dit ne pas être sous tutelle – et être sain d’esprit, c’est-à-dire posséder les capacités mentales permettant un discernement et une volonté assez éclairée. « Souvent, les contestations de testament se basent sur les capacités du testateur. C’est pour cette raison que je conseille de faire des testaments authentiques « , précise Maître Vié. Il existe, en effet, plusieurs types de testaments. LES DIFFÉRENTES FORMES DE TESTAMENTS Dans à peine 5 % des cas, le choix se porte sur un testament authentique. Ce dernier est écrit par un notaire en présence d’un autre notaire ou de deux témoins. C’est le testateur qui dicte au notaire ses volontés qui sont consignées dans un acte qui prend le caractère d’un acte authentique. « La première solution est souvent préférée à la deuxième pour des raisons de confidentialité et de discrétion », indique Maître Vié. Le testament olographe, qui représente 95% des cas, doit être entièrement écrit de la main du testateur, daté et signé. Il peut être conservé chez soi ou au mieux confié au notaire par souci de sécurité et de conservation. « Certes, le testament authentique est plus lourd à réaliser, mais il apporte plus de garanties et est plus dur à contester « , précise Maître Vié. L’acte authentique est même obligatoire pour certains actes importants, comme une reconnaissance d’enfant ou pour priver son conjoint du droit viager. Une adhérente s’interroge : « Si je réalise un testament authentique et que, par la suite, je fais un testament olographe, est-ce que ce dernier annule le premier ? » Ce à quoi le notaire répond : » En présence de plusieurs testaments, aucun des testaments n’est supérieur aux autres. Il y a annulation d’un testament ou de certaines de ses dispositions uniquement si vous les révoquez dans un autre testament « .
Les autres formes de testament – le testament mystique et international – représentent à eux deux moins de 0,5% des cas. Le testament mystique est établi par le testateur qui le remet sous plis clos et cacheté au notaire en présence de deux témoins.
Le notaire dresse un acte de souscription et le fait signer au testateur et aux témoins. Le testament est dit « mystique » car son contenu reste secret jusqu’au décès du testateur. Le testament international a été introduit en France en décembre 1994. Il est valable quel que soit le pays où il a été rédigé, la situation des biens, la nationalité, le domicile ou la résidence du testateur. Sa finalisation se fait en présence d’un notaire et de deux témoins. Enfin, il y a le testament partage. Il permet de répartir ses biens et d’éviter la naissance d’indivision.
C’est également un outil plus intéressant qu’une donation-partage car le testateur garde le contrôle de ses biens et décide le moment venu ce qui sera adapté. Les héritiers concernés reçoivent les biens au décès du testateur. S’ils refusent le testament-partage, ils ne peuvent pas réclamer leur part dans la succession.
Attention : on ne peut pas faire un testament partage avec les biens communs.
INTERDICTIONS ET PRÉCAUTIONS
Un testament ne peut pas être réalisé à plusieurs. Vous ne pouvez faire un testament que sur votre patrimoine, pas sur celui du conjoint. Les témoins ne peuvent être mineurs, ni être des parents ou des légataires. Evitez de recourir aux clercs de notaire comme témoins. Les ratures et les ajouts sont à proscrire. N’y mettez pas vos volontés en matière de funérailles car le testament est ouvert après. Une photocopie de testament n’est pas valable. » Une photocopie de testament, cela ne sert à rien. Si on ne trouve pas l’original, on n’applique pas le testament. C’est pour cela que je vous conseille de confier votre testament à un notaire, de ne pas le laisser traîner chez vous. Par exemple, si vous déshéritez un neveu et que c’est lui qui trouve le testament, il peut le déchirer et alors c’est la loi qui s’appliquera. On a même vu des gens avaler des testaments chez le notaire « , relate Maître Vié. Par ailleurs, pour que le testament authentique soit valable, personne ne doit rentrer dans le bureau du notaire. Enfin, les majeurs sous tutelle ou les mineurs de moins de 16 ans ne peuvent pas faire de testament sans l’accord du Juge.
MONTRER SON TESTAMENT À UN NOTAIRE : UNE NÉCESSITÉ
Il est primordial de montrer son testament à un notaire pour plusieurs raisons. Pour s’assurer qu’aucun bien n’a été oublié, ni aucune personne. Pour s’assurer qu’il soit applicable, d’autant plus que ce sera le notaire qui aura la mission de le mettre en œuvre et que vous ne serez plus là pour lui fournir des explications. « De temps en temps, quand on ouvre des testaments olographes, comme en tant que notaire on ne sait pas interpréter, on est obligé d’aller voir le Juge. Ce n’est pas le meilleur moyen pour commencer à régler un dossier de succession », explique Maître Vié.
« J’irai plus loin en disant que le notaire est garant de l’efficacité d’un testament. Par exemple, vous souhaitez léguer votre appartement à une personne, mais elle devra payer 60 % de droits de succession. Si vous ne lui léguez pas autre chose pour payer ces droits, elle sera dans l’incapacité de garder l’appartement. En tant que notaire, nous sommes capables de discerner ces subtilités et de vous conseiller afin que votre testament soit le plus efficace possible. » A la fin de la conférence, un adhérent s’interroge : « Comment peut-on savoir si un testament a été réalisé ? » En France, les notaires ont l’obligation d’inscrire les testaments dans le fichier central des dispositions de dernières volontés ou FCDDV. Lorsque les héritiers iront voir leur notaire, ce dernier, avec l’acte de décès, va interroger ce fichier. Il saura si un tel document existe et où il se trouve et il en demandera une copie.
* Héritier réservataire : personne qui ne peut être déshéritée et qui a donc accès à une part minimale du patrimoine du défunt, appelée « la réserve ».
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